La pagode Dâu, berceau du bouddhisme au Vietnam
La pagode Dâu est située dans la commune de Thanh Khuong, district de Thuân Thanh, province de Bac Ninh, à environ une trentaine de kilomètres de Hanoi. Elle se trouve au centre de la vieille citadelle de Luy Lâu (2e siècle de notre ère), considérée comme la plus ancienne pagode du Vietnam et le lieu à partir duquel le bouddhisme national s’est développé.
Au fil de près de deux millénaires, la pagode Dâu a connu de profonds changements. Jadis, l’allée qui conduit à la pagode passait par un portique à trois entrées et un spacieux terrain entouré par deux étangs où se mirait un pont couvert à sept travées semblable à celui de Hôi An.
Tout comme la plupart des pagodes du Vietnam, celle de Dâu est inspirée de l’architecture orientale traditionnelle. Quatre rangées de maisons jointes ensemble forment un rectangle qui entoure trois bâtisses principales : la maison de devant, celle du milieu et la maison supérieure. La maison de derrière n’existe plus, mais on peut voir encore 40 pièces disposées de part et d’autre. Au milieu de la grande cour se dresse la tour Hoa Phong, à l’origine à 9 étages mais dont ne subsistent que 3 étages. Ses grosses briques cuites à très haute température ont couleur des vases en faïence. Selon les archéologues, les derniers vestiges de la pagode datent de la dynastie des Trân (13è siècle) et celle-ci fut restaurée pour la première fois en l’an 1313, sous le règne du roi Trân Anh Tông.
Selon la légende, Man Nuong, une fillette de 12 ans, prit l’habit à la pagode Linh Quang dans l’actuel district de Tiên Du, province de Bac Ninh. Un jour, alors qu’elle était couchée, un bonze nommé Khâu Da La du Tây Truc (Inde) enjamba son corps par inadvertance. Par la suite, la dame Man Nuong fut enceinte et accoucha d’une fille 14 mois après. Avant de rentrer au Tây Truc, le bonze Khâu Da La remit à Man Nuong une crosse en lui recommandant de la planter dans le sol en cas de sécheresse puis, tout en récitant des incantations magiques, déposa la femme dans la cavité d’un mûrier qui se trouve au bord de la rivière Thiên Duc.
Après le départ du bonze Khâu Da La, la région connut une sécheresse qui y sévit pendant trois ans. La dame Man Nuong planta la crosse magique dans le sol, et aussitôt, la pluie tomba à verse. Le mûrier déraciné fut emporté par le courant vers la citadelle de Luy Lâu et échoua sur le rivage à l’appel de Man Nuong. Avec le bois du mûrier, celle-ci fit sculpter quatre statues des génies Nuage, Vent, Tonnerre et Eclair. Pendant qu’ils taillaient le bois, les sculpteurs trouvèrent dans le tronc une pierre qu’il jetèrent à l’eau. La nuit, le lit de la rivière brilla d’un éclat étrange. Or, la pierre était l’objet de la métamorphose de la fille de Man Nuong. Celle-ci la divinisa sous l’appellation de Thach Quang (Pierre lumineuse) et lui voua un culte. Elle-même fut élevée au rang de Sainte Mère et passa sa vie religieuse à la pagode Man Xa, tandis que les quatre statues Nuage, Vent, Tonnerre et Eclair étaient vénérées dans d’autres pagodes de la région.
Selon la bonzesse Thich Dam Tuy, gérante de la 4è génération de la pagode Dâu, « celle-ci porte plusieurs noms, à savoir pagode Diên Ung, pagode Phap Vân, pagode Thiên Dinh, pagode Cô Châu… Elle a fait son apparition avec la légende de Man Nuong laquelle a aidé les chercheurs à approfondir l’étude de la culture de la région du Kinh Bac, point de rencontre de deux cultures bouddhiques, l’une venant de l’Inde et l’autre de Chine. C’est ici qu’ont été formés 500 religieux et religieuses, traduits 15 livres bouddhiques et construites des dizaines de tours majestueuses. D’éminents bonzes comme Mâu Bai, Ti Ni Da Luu Chi, Khang Tang Hôi Phap Hiên ont dirigé les activités de la pagode. Les rois des temps anciens y sont venus pour participer à la procession de la statue Nuage à la pagode Bao Thiên à Hanoi destinée à implorer le Ciel de faire tomber la pluie ».
Impressionnantes sont les statues de la pagode Dâu, en particulier celle de Ngoc Nu qui rappelle la gracieuse paysanne au festival des chants alternés : taille de guêpe, le turban coquettement enroulé autour de la tête, la robe à quatre pans flottants et serrée par une bande de soie rose…
A la pagode Dâu, district de Thuân Thanh, province de Bac Ninh, le visiteur peut constater la vietnamisation des valeurs spirituelles introduites dans le pays. Il se perd au milieu de vestiges appartenant à différentes périodes historiques du Vietnam : la citadelle Luy Lâu sur le bord de la rivière Thiên Duc, l’histoire de la judicieuse régente Y Lan, le But Thap (Tour au pinceau), la statue Kouan Yin aux 1000 yeux et 1000 bras, le village de Dông Hô et ses originales estampes populaires, et le fleuve Duong qui roule ses flots tranquilles le long des sites historiques…
La pagode Dâu est l’objet de l’attention de l’Etat vietnamien et L’Eglise bouddhique du Vietnam qui sont en train de procéder à des restaurations pour être digne d’un “Centre du bouddhisme vietnamien”.
(Vietnam Inllustré)