Le village céramique de Bát Tràng

L’un des plus anciens villages de métier du Nord du Vietnam, dont la tradition et les savoir-faire sont transmis de génération en génération, invite les visiteurs d’aujourd’hui à «mettre les mains à l’argile».
Le village de métier traditionnel de Bát Tràng, à une dizaine de kilomètres du centre de Hanoi, est connu pour sa spécificité qui est la production de céramiques. Aujourd’hui, une autre facette est proposée aux touristes afin de mieux comprendre le métier d’artisan-céramiste : des classes de poterie où les visiteurs peuvent manipuler l’argile et essayer de confectionner des objets eux-mêmes.

Le village céramique de Bát Tràng

Le village céramique de Bát Tràng

Prémices d’une difficile mission
À côté de l’office du tourisme de Bát Tràng, se trouve une classe qui semble être la plus grande du village. Il y a peu de personnes près des tours. La plupart sont en train de peindre des objets, soit qu’ils ont eux-mêmes créé, soit des objets préfabriqués : des lapins, des cœurs, des lunes, des nains… Vaste choix en perspective !
Les clients semblent être uniquement de jeunes adolescents. Je cherche alors du regard où m’installer et prends place sur un tabouret dont le rouge pétant est quelque peu camouflé par des restes de projections d’argile.
Je fais alors signe à une femme semblant faire partie des personnes travaillant dans la classe de poterie (de par ses différents allers et venus), afin qu’elle sache que je veux participer. Celle-ci me répond d’un hochement de tête et m’apporte deux minutes plus tard un morceau d’argile, juste de quoi confectionner un petit objet, qu’elle pose sur le tour.

Je m’aperçois alors qu’il y a une petite bassine d’eau sur mon côté. Ayant commencé déjà à observer d’autres personnes dans la classe, j’essaye à mon tour de reproduire les mêmes gestes. C’est-à-dire : humidifier mes mains et le morceau d’argile (sur le moment, je ne suis pas vraiment sûre de la quantité d’eau, mais il faut se lancer !).
Je m’applique alors à faire une boule avec l’argile que je repose au centre du tour et je commence enfin à faire tourner celui-ci. Mon pouce droit dans le centre de la boule, ma main gauche tentant de la maintenir, et de lisser les bords en même temps, et de faire tourner le tour, et de donner une forme tangible à la boule d’argile, et de faire tourner le tour… : mission difficile, voire impossible.

Intervention inespérée
C’est alors que la femme travaillant dans la classe, attrape un petit tabouret elle aussi, s’assoit à côté de moi, pose un nouveau morceau d’argile sur le tour et ainsi commence quelque chose que j’ai envie de qualifier de «magique». Elle semble tout d’abord (je dis «semble» car certainement que j’ai dû rater quelque chose) refaire les mêmes gestes que moi au départ : c’est-à-dire humidifier ses mains, humidifier le morceau d’argile et ensuite le poser sur le tour. Et là, avec une aisance déconcertante, en 45 secondes, elle me présente un bol, puis change la forme de l’argile en un long vase, puis en une tasse en forme de cœur… Sublime ! Waw !
Malheureusement pour moi, elle ne me parle qu’en vietnamien, et mon niveau linguistique très limité ne me permet de comprendre ce qu’elle essaye de me transmettre. Sûrement qu’elle essaye de me faire part de quelques secrets de sa «magie» : elle me montre comment faire, afin de me remotiver face à mon échec antérieur.
Elle me regarde, me sourit et me laisse une magnifique tasse. L’idée de faire croire que ce chef-d’œuvre vient de moi me traverse l’esprit… Mais finalement, je décide de réessayer, plus sûre de moi, persuadée que n’importe qui en est capable.

Volonté et obstination
Deuxième essai… et les autres qui suivirent : humidification des mains, puis du morceau d’argile, et je tourne, et je tourne, et je retourne… Après avoir observé cette femme à chaque fois qu’elle allait aider un nouveau client, et après avoir eu de nombreux nouveaux échecs, je décide d’observer à nouveau mes voisins et leurs différentes techniques.
Durée des essais : à peu près une heure. Après ce temps écoulé, un miracle se produit : je réussis à confectionner un vase… ou porte-crayon, au choix. Cela dépend du point de vue.
Prix à payer : mon dos me tiraille, mon postérieur est paralysé d’être quasiment resté une heure sur mon petit tabouret couleur «rouge pétant». À vrai dire, après 5 minutes, la position était déjà inconfortable. Mais enfin, après cela, très fière de moi, je décide de faire poursuivre à mon objet les autres étapes : séchage, cuisson, décoration, vernissage, et enfin re-séchage.
Ma fierté et ma détermination de voir le résultat final l’emportèrent sur la lassitude du lieu. Car il est vrai qu’il y avait bien peu de choses divertissantes dans cet endroit à mon goût, à part l’observation des autres apprentis-potiers échouant face à l’épreuve du tour. Je m’en vais laver mes mains et mes vêtements également (fraîchement customisés avec de l’argile).
Donc en tout, en prenant en compte le temps de la transformation du morceau d’argile en mon vase (ou porte-crayon), je suis restée près de deux heures et demie dans la classe de poterie.
Finalement, heureuse de pouvoir montrer à ceux qui voudront bien à quel point je suis douée, je m’en retourne à Hanoi, en prenant soin de poser soigneusement mon vase (ou porte-crayon) dans le coffre de mon scooter. Trente minutes plus tard, je suis à Hanoi et mon vase (ou porte-crayon) a perdu sa raison d’être : sur le chemin, il s’est brisé.

Une expérience gratifiante

Cet essai dans l’atelier de Bát Tràng fut intéressant et ludique (oui, même après la perte du résultat de mon dur labeur… Je ne regrette rien !).
Je suis restée un certain temps dans la classe à observer, à chercher des yeux la façon la plus adéquate de faire, afin d’arriver à un résultat me satisfaisant. Je cherchais le «truc» qui semblait si évident, lorsque la femme «magicienne» me montrait comment faire. Et après un certain temps, j’ai pu avoir un résultat à peu près concluant.
Le mauvais côté, c’est l’attente. Il faut être patient : attendre que l’argile sèche, attendre que l’argile cuise, attendre que la peinture sur l’argile sèche, attendre que le vernissage sur la peinture de l’argile sèche… Enfin bref, il faut être très motivé et patient ! Il est bien sûr possible de quitter l’endroit et de revenir pour faire un tour dans le village par exemple. Mais j’aurais bien aimé qu’il y ait des activités mettant en avant l’histoire du village, l’évolution de l’art de la céramique au Vietnam, durant ce temps d’attente.
Bát Tràng a eu une évolution très rapide ces 20 dernières années. Alors que certains métiers artisanaux sont en péril au Vietnam à l’heure actuelle, les céramiques du village de Bát Tràng continuent d’être exportées. Depuis 2004, existe un label déposé «Bát Tràng» qui a permis une reconnaissance et une valorisation des produits du village, cela au niveau national mais à l’étranger aussi !
Valoriser l’histoire du village dans les quelques classes de poterie permettrait aux visiteurs étrangers : américains, japonais, coréens par exemple, ou martiniquais tels que moi-même, de mieux réaliser la valeur de ces céramiques qui sont fabriquées dans le village.

Ce fut une nouvelle expérience au pays des chapeaux coniques, que je prends plaisir à découvrir.
(Lecourrierduvietnam)

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