La gastronomie des Thais noirs à Dien Bien
La gastronomie est d’une importance capitale quand vous posez vos pieds sur une terre inconnue. Les plats typiques d’une région constituent un passe-partout pour vous aider à comprendre la culture et les coutumes qui rythment la vie des autochtones. Aujourd’hui, c’est la gastronomie des Thais noirs de la province de Điện Biên, dans le nord du Vietnam, que nous vous proposons de découvrir.
Grillades, c’est à ce mot que se résume la quintessence de la gastronomie des Thais noirs. Pour cette ethnie minoritaire, tout peut être grillé: la viande rouge, les volailles, les produits aquatiques et même… certaines plantes. En tout cas, il est impensable pour les Thais noirs d’inviter quelqu’un à manger chez eux sans avoir du poisson ou de la viande grillés. La viande peut se préparer principalement de deux façons: soit elle est coupée en fins morceaux à assaisonner, soit elle est hâchée et mêlée avec des oeufs et emballée dans des feuilles de bananier ou de phrynium. Quelle que soit la préparation, cette viande sera grillée au charbon de bois ou dans des cendres brûlantes. Résultat: un parfum irrésistible et un estomac qui en demande toujours plus! Lò Thị Lường passe pour être l’un des cordons bleus du district de Điện Biên Đông: “La viande grillée est indispensable au moment du Tet. C’est une période où personne n’a faim et où il convient de préparer des plats secs qui donnent à mon avis plus d’appétit. Auparavant, on n’avait pas de frigo, donc on devait préparer des plats séchés. Aujourd’hui, avec le frigo, on n’a plus besoin d’avoir beaucoup de réserves, on peut en revanche conserver de la viande fraiche pour la cuisiner quand on veut.”
La viande grillée, oui, mais c’est le poisson grillé qui illustre au mieux l’habileté culinaire des Thais noirs. Le poisson bien lavé est assaisonné avec du piment, du poivre typique de la forêt locale et d’autres ingrédients avant d’être grillé au charbon de bois. Si vous y avez goûté une fois, vous ne l’oublierez jamais. Et si vous voulez une originalité qui n’existe que dans cette région, en l’occurrence dans les provinces de Điện Biên et de Sơn La, ce sont des mousses grillées. Et pas n’importe quelles mousses, il faut des mousses qui poussent dans les ruisseaux. Sur ce point, Lò Thị Lường se veut très exigeante: “Une fois qu’on a ramassé des mousses des ruisseaux, on doit les battre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de grains de sable dedans. Ensuite, on les sèche et les mêle avec des feuilles d’ail, de gingembre, des herbes parfumées, du poivre de forêt, du sel, du nước mắm avant d’emballer le tout dans des feuilles de bananier qu’on fait ensuite griller. C’est un plat simple que tout un chacun peut faire, mais l’absence d’un seul ingrédient peut nuire à l’ensemble. Ces mousses, on peut aussi les sécher pour une utilisation ultérieure, par exemple pour faire un bouillon avec du poulet.”
Pour les Thais noirs dans la province de Dien Bien, les mousses sont un plat uniquement réservé aux convives de marque. On a donc des mousses grillées ou frites. Mais il faut reconnaître que ce sont les mousses mêlées avec du gras et des ingrédients du terroir emballées dans des feuilles de phrynium qui sont les plus délicieuses. Et les plus originales aussi, puisqu’elles sont cuites dans des cendres brûlantes puis au charbon jusqu’à ce que les feuilles de phrynium soient complètement calcinées, que le gras et le liquide vert parfumé typique des mousses de ruisseaux suintent. C’est à ce moment là qu’on extrait les mousses des cendres pour les mettre sur un plateau. Quand vous ouvrez l’emballage de phrynium, vos papilles devront alors faire face à une offensive irrésistible d’un mélange de plusieurs dizaines d’ingrédients. Mais les mousses, elles, restent d’un goût frais et incroyablement fin! Aux dires des Thais, c’est un plat qui aide à la circulation sanguine, à se désintoxiquer, à se rafraîchir et à lutter contre l’hypertension artérielle. Seul bémol: les mousses ne sont disponibles qu’à une seule saison. Lò Thị Lường: “On peut trouver les mousses en hiver seulement. Et c’est entre octobre et décembre qu’elles sont les plus délicieuses. Le reste du temps, elles sont vieilles, jaunes, en un mot pas consommables. Pour pouvoir manger des mousses tout au long de l’année, il faut les consommer séchées, mais c’est décidément moins bon que lorsqu’elles sont fraîches.”
Autres plats à ne pas manquer chez les Thais noirs: ceux faits à base de poulet et en particulier la salade de poulet que Cà Văn Dính, un fin connaisseur que nous avons rencontré là-bas nous présente avec fierté: “C’est du jeune poulet assaisonné avec des ingrédients traditionnels qui donnent des goûts pimentés, sucrés, amers et acides. Tout ça aide à l’équilibre du corps. Quand on mange cette salade, on peut travailler le champ toute la journée sans transpirer.”
Il n’y a pas de cuisine Thai sans riz gluant cuit à la vapeur dans des marmites en bois. Ce riz a la particularité d’être doux, souple mais pas adhésif.
Enfin, les plats des Thais noirs ne sont pas accompagnés d’une sauce, comme c’est le cas de ceux des Kinh majoritaires, mais d’un mélange savant entre sel, glutamate, piment, coriandre et poivre de forêt, le tout pilé pour offrir un goût à la fois pimenté, légèrement gras et absolument exquis. Les Thais noirs tiennent la clé d’une gastronomie diversifiée qui met en valeur toutes les spécialités végétales du terroir. Et ces spécialités, il nous paraît impossible de toutes vous les énumérer! Alors pourquoi hésitez-vous encore à faire un saut dans cette contrée montagneuse du nord du Vietnam, qui, en plus d’une excellente cuisine, vous offre aussi des paysages splendides que vous ne serez pas près d’oublier?
VVW